Gaétan Vaguelsy, « Les Princes de la ville »


Les peintures de Gaétan Vaguelsy ont ce quelque chose qui agrippe le regard. Des portraits d’apparence classique (« Les Princes de la ville », 2017-2018), dans lesquels Gaétan Vaguelsy joue avec les codes de représentations et les renverse. Il nous donne à voir un travail où se rencontrent art urbain et peinture de chevalet. Où la peinture à l’huile se mêle à la bombe aérosol, où le geste précis, côtoie le geste vif et vandale du graffeur qu’il a été adolescent. Serait-ce un choc des cultures savamment orchestré ? Un choc des cultures dans lequelle la question du modèle est, elle, abordée de manière plutôt classique. Souvent central ou de profil, représenté légèrement en contre-plongée, sous une lumière artificielle venant du haut. Une lumière presque sacralisante. Les sujets se montrent dans des postures familières à la fois complices et narquoises, ils fixent notre regard.

Ses modèles sont ses amis, sa bande, son crew. À l’inverse de la peinture classique, pas de costumes d’apparats, de tissus somptueux, ni de signes de pouvoir. Juste des gens, comme vous et moi, en doudoune, jeans ou survêt’, le visage à demi masqué, tenant entre leurs mains un objet choisi par l’artiste. Des objets qui créent une dualité harmonieuse entre leur symbolique et les mains dans lesquelles ils sont introduits. Du Mister Freeze a la vodka-Redbull dans une bouteille de Cristalline. Du paquet de bonbons multicolores à la fleur de lys ou en passant par le fameux Capri-Sun, cette boisson multivitaminée dans poche de plastique argentée et bleue, tant prisée l’été. Tous autant d’objets de consommation populaire, vanités de notre monde contemporain, qui nous renvoient ici, à un entre-deux de la vie, dans lequel l’amitié et la fraternité jouent un rôle puissant. Celui du passage du temps de la vie. Du passage du monde insouciant de l’enfance à celui, plus intransigeant de l’âge adulte.

Dans les tableaux de Gaétan Vaguelsy, seul l’Homme est représenté. Le contexte qui l’entoure est effacé, remplacé par une couleur vive, en aplat, sorte de monochrome 2.0. Faut-il y voir un écho à l’individualité à laquelle nous devons faire face une fois adulte ou bien un terrain de jeu propice à l’alliance des forces collectives ? Un monochrome, donc, qui n’est pas sans rappeler l’histoire de la peinture moderne et qui interroge à la fois l’image, le sens de ce que l’on regarde, mais surtout l’influence du contexte de présentation dans la perception d’un sujet. Un contexte dont l’artiste préfère se défaire pour mettre en scène un véritable tête-à-tête entre le sujet du tableau et nous, spectateur.

Peintre de son entourage et de sa condition de jeune artiste (comme en témoignent ses autoportraits), Gaétan Vaguelsy nous donne à voir l’importance des relations humaines, amicales et solides, mais aussi leurs évanescences et leurs fugacités. Comme une sorte de manifeste, soulignant l’envie d’aller de l’avant, ses peintures semblent s’adresser directement à nous en nous disant : « on est jeunes et ambitieux, parfois vicieux, faut qu’tu te dises que, tu peux être le prince de la ville si tu veux. »*


Elodie Bernard


*Extrait du refrain, Les princes de la ville, 113, tirée de l’album éponyme, 1999

https://regardb.com/2019/12/13/les-princes-de-la-ville-solo-gaetan-vaguelsy-brussels/

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