Gaétan Vaguelsy, Les princes de la ville, 2019
Les peintures de Gaétan Vaguelsy, actuellement en 5ème annéede l’École des Beaux-arts de Montpellier, ont se quelque chose qui agrippe leregard. Des portraits d’apparences classiques (Les princes de la ville,2017-2018), dans lesquels Gaétan Vaguelsy joue avec les codes dereprésentations et les renverses. Il nous donne à voir un travail où serencontrent art urbain et peinture de chevalet. Où la peinture à l’huile semêle à la bombe aérosol, où le geste précis, côtoie le geste vif et vandale dugraffeur qu’il a été adolescent. Serait-ce un choc des cultures savammentorchestré ? Un choc des cultures dans laquelle la question du modèle est, elleabordée de manière plutôt classique. Souvent central ou de profil, représentéelégèrement en contre-plongée, sous une lumière artificielle venant du haut. Unelumière presque sacralisante. Les sujets se montrent dans des posturesfamilières à la fois complices et narquoises, ils fixent notre regard.
Ses modèles sont ses amis, sa bande, son crew. À l’inversede la peinture classique, pas de costumes d’apparats, de tissus somptueux, nide signes de pouvoir. Juste des gens, comme vous et moi, en doudoune, jeans ousurvêt’, le visage à demi masqué, tenant entre leurs mains un objet choisi parl’artiste. Des objets qui créent une dualité harmonieuse entre leur symboliqueet les mains dans lesquelles ils sont introduits. Du Mister Freeze a la vodka-redbull dans une bouteille de Cristalline. Du paquet de bonbonsmulticolores à la fleur de lys ou en passant par le fameux Capri-sun, cette boisson multivitaminée dans poche de plastiqueargentée et bleu, tant prisée l’été. Tout autant d’objets de consommationpopulaire, vanités de notre monde contemporain, qui nous renvoient ici, à unentre-deux de la vie, dans lequel l’amitié et la fraternité jouent un rôlepuissant. Celui du passage du temps de la vie. Du passage du monde insouciantde l’enfance à celui, plus intransigeant de l’âge adulte.
Dans les tableaux de Gaétan Vaguelsy, seul l’Homme estreprésenté. Le contexte qui l’entoure est effacé, remplacé par une couleurvive, en aplat, sorte de monochrome 2.0. Faut-il y voir un écho àl’individualité à laquelle nous devons faire face une fois adulte ou bien unterrain de jeu propice à l’alliance des forces collectives ? Unmonochrome, donc, qui n’est pas sans rappeler l’histoire de la peinture moderneet qui interroge à la fois l’image, le sens de ce que l’on regarde, maissurtout l’influence du contexte de présentation dans la perception d’un sujet.Un contexte dont il préfère se défaire pour mettre en scène un véritabletête-à-tête entre le sujet du tableau et nous, spectateur.
Peintre de son entourage et de sa condition de jeune artiste(comme en témoignent ses autoportraits). Gaétan Vaguelsy nous donne à voirl’importance des relations humaines, amicales et solides, mais aussi leursévanescences et leurs fugacités. Comme une sorte de manifeste, soulignantl’envie d’aller de l’avant, ses peintures semblent s’adresser directement ànous en nous disant : « on est jeunes et ambitieux, parfois vicieux,faut qu’tu te dises que, tu peux être le prince de la ville si tu veux. »*
Elodie Bernard
*Extrait du refrain, Lesprinces de la ville, du groupe de rap 113, tirée de l’album éponyme, 1999